
Trop tôt ? Les performances de Yu Zidi, 12 ans, divisent aux Mondiaux de natation

Trop jeune? Trop forte? Les deux ? Loin de faire de la figuration, le phénomène chinois Yu Zidi, 12 ans, impressionne autant qu'il interroge depuis dimanche aux Mondiaux de natation, après des performances dignes des meilleurs nageurs de la planète.
En seulement six plongeons dans le grand bassin du Singapour Sports Hub, le bilan est déjà particulièrement reluisant pour la collégienne, surnommée en Chine "la petite fille d'acier", qui a découvert la natation en cherchant à se rafraîchir pendant l'été.
Entre mercredi et jeudi, elle s'est hissée jusqu'en finale du 200 m papillon, avant de terminer quatrième, à quelques moulinets de superstars mondiales comme la Canadienne Summer McIntosh ou l'Américaine Regan Smith.
"J'essayais de ne pas trop me concentrer sur elle parce que ça me fait ch... de me faire battre par une fille de dix ans plus jeune que moi!", avoue la Française Lilou Ressencourt, prise de vitesse par la Chinoise en demi-finale.
Lundi, Zidi avait même touché du bout des doigts, sur 200 m quatre nages, une médaille inédite de précocité aux Mondiaux, échouant cette fois au pied du podium pour six petits centièmes seulement.
"À LA, on va probablement la voir plus souvent", prédit la Canadienne Mary-Sophie Harvey, en bronze.
Pour retrouver des traces d'un exploit similaire au niveau international, il faut remonter... à 1936, quand la Danoise Inge Sorensen, du même âge, signait le 3e temps de la finale du 200 m brasse aux JO de Berlin.
- "Beaucoup trop tôt" -
À une différence près cette année: la plupart des experts de la natation, en particulier en Chine, s'y attendaient. Zidi avait déjà stupéfié le milieu en mai, lors des championnats nationaux, avec des chronos impressionnants.
Elle avait notamment survolé le 400 m quatre nages en 4 min 35 sec 53, un temps qui lui aurait permis de terminer quatrième aux JO de Paris, sur ce qui est considéré comme l'une des épreuves les plus physiques et techniques du sport.
En zone mixte à Singapour, athlètes et membres de l'encadrement, régulièrement sollicités depuis le début des Mondiaux pour commenter les exploits de la jeune chinoise, sont partagés entre admiration et inquiétude.
"Faire nager une fillette de douze ans devant 5.000 spectateurs, sous la pression des médias et des entraîneurs, c'est beaucoup trop tôt", estime Christian Hansmann, directeur sportif de la fédération allemande de natation.
Devant l'ampleur médiatique prise par le phénomène, la fédération internationale World Aquatics s'est déclarée prête à revoir à l'avenir le règlement concernant l'âge minimum de participation à ses compétitions.
- Changement de règle ? -
"Nous allons examiner la situation et voir si nous devons aller plus loin ou si nous sommes à l'aise avec notre position actuelle", a déclaré le directeur général de World Aquatics, Brent Nowicki, lors d'un point presse mercredi avec plusieurs médias.
"Je ne pensais pas que j'aurais à répondre à cette question un jour. Nos minima sont tellement stricts, je ne pensais pas qu'une fille de 12 ans les atteindrait", a-t-il répondu.
D'après le règlement actuel, les athlètes doivent avoir au minimum 14 ans pour participer aux Mondiaux, mais des exemptions peuvent être délivrées si, comme Yu Zidi, ils réalisent des minima suffisamment élevés en amont.
"Elle est clairement rapide. Cela pourrait être quelque chose de vraiment intéressant à suivre sportivement (...) Mais maintenant, je pense qu'on doit aussi se poser la question (...): devons-nous mettre en place d'autres garde-fous ?", s'est interrogé Nowicki.
La natation n'est pas le premier sport confronté à cette problématique de précocité de certaines athlètes, mais les performances de cette nouvelle pépite intriguent d'autant plus que la natation chinoise a été récemment soupçonnée de dopage.
Les nageurs de l'Empire du milieu étaient déjà arrivés aux JO de Paris l'an passé dans un climat de suspicion, après que des médias eurent rapporté que 23 membres de l'équipe avaient été contrôlés positifs à une substance interdite, la trimétazidine (TMZ), lors d'une compétition nationale fin 2020 et début 2021.
Après enquête, les autorités antidopage chinoises ont conclu que la substance avait été ingérée de manière involontaire, en raison d'aliments contaminés dans l'hôtel où séjournaient les athlètes. L'Agence mondiale antidopage (AMA) a jugé l'explication crédible et n'a pas sanctionné les nageurs.
J.Gong--SG