
Au lendemain des bombardements, le choc et l'effroi des survivants de Poonch

Des rues vides, des rideaux de fer baissés, des bâtiments aux toits éventrés ou aux fenêtres cassées. Au lendemain des violents échanges d'artillerie qui ont opposé l'Inde et le Pakistan à leur frontière, Poonch a pris jeudi des airs de ville fantôme.
"Où voulez-vous qu'on aille ?" Devant son domicile, Arvinder Pal Singh s'excuse presque de ne pas avoir rejoint, avec sa femme, ses deux enfants et ses parents, le flot de tous ceux qui fuient.
"Nous avons passé la nuit recroquevillés à même le sol de la maison", rapporte le commerçant de 40 ans. "Nous n'avions jamais vu de bombardements aussi violents. Ni eu aussi peur..."
A portée de tir de la "ligne de contrôle" qui coupe le Cachemire en deux, Poonch a essuyé mercredi matin un déluge de feu, lorsque le Pakistan a riposté aux frappes ordonnées par l'Inde sur son sol en représailles à l'attentat de Pahalgam.
Pendant plusieurs heures, une pluie d'obus pakistanais s'est abattue au pied et sur les flancs de la colline où la localité est nichée.
Madasar Choudhary, 29 ans, raconte leur terreur pour sa sœur, encore sous le choc.
"Elle était chez elle lorsque les premiers obus sont tombés", dit-il. "Elle a vu deux enfants sortir de chez son voisin en courant et a crié pour leur dire de rentrer se mettre à l'abri. Mais ils ont été atteints par des éclats d'obus, ils sont morts".
- "Tous paniqués" -
Shariyar Ali décrit les mêmes scènes d'effroi.
"Un obus est tombé (...) juste à côté de notre maison, là, tout près", témoigne cet étudiant de 25 ans. "Il a fait voler la vitre en éclats (...) on était tous paniqués."
Comme lui, des centaines habitants de Poonch n'ont pas hésité longtemps. Lorsque les explosions se sont rapprochées, ils ont pris la route de Surantoke, la ville la plus proche à 30 km en arrière.
"Les obus tombés tout près de chez moi ont causé de nombreuses pertes. On connaît tous personnellement une des victimes", confirme Kumail Nadeem, 25 ans, qui a rejoint l'exode.
"On a déjà connu des bombardements, la frontière n'est qu'à trois kilomètres", complète Zaheer Ahmed Banday, un commerçant de Poonch.
"Mais on ne s'attendait pas à ce que notre ville soit touchée", continue le trentenaire. "J'ai attrapé une chemise et un pantalon, mon téléphone et un chargeur et je suis parti sans me retourner".
Vingt-quatre heures plus tard, le fracas des armes s'est tu dans les rues de Poonch. Mais la peur de ses habitants est loin d'avoir disparu.
Alors, par précaution, de nombreux déplacés de la ville-frontière profitent de leur retraite à Surankote pour y faire le plein de provisions.
- "Ça passera" -
"Tout le monde a peur", lâche un commerçant, Sohail Sarwar. "Il y a tant de peur et de panique sur ce qui pourrait se passer dans les jours qui viennent que les gens font des stocks", précise un épicier, Sanjay Ghai, 60 ans.
"Il n'y a plus d'argent dans les distributeurs de billets depuis quatre ou cinq jours", déplore un habitant, Imtiyaz Ahmed, 28 ans. "Il nous en faut pour nos besoins de base, pour manger..."
Les propos mercredi soir du Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, n'ont fait qu'inquiéter un peu plus les frontaliers. Dans un discours à la nation, il a promis de "venger chaque goutte de sang versé" par les victimes des frappes indiennes.
Depuis la partition de l'Inde et du Pakistan à leur indépendance en 1947, les habitants du Cachemire indien, que se disputent les deux pays, ont connu leur lot de guerres, de crises et de violences.
Les plus anciens en ont pris leur parti.
Les plus jeunes sont moins philosophes.
"Mes parents nous ont souvent parlé des bombardements, je n'en avais jamais connu de tels", confie Kumail Nadeem. "Pour moi c'est nouveau, et c'est pour ça que j'ai si peur".
W.Sim--SG