
Le nouveau chancelier allemand à l'Elysée pour relancer la relation avec Paris

Le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz, à peine élu, a été accueilli mercredi par Emmanuel Macron à l'Elysée avec l'ambition affichée de redonner du lustre au couple franco-allemand et tout son poids à l'Allemagne en Europe, confrontée à des défis majeurs, des coups de butoir de Donald Trump à la guerre en Ukraine.
Friedrich Merz, européen convaincu, est arrivé à Paris, première étape traditionnelle d'un nouveau dirigeant allemand à l'étranger, en chancelier affaibli, après son élection au forceps mardi. Il se rendra dans la foulée à Varsovie, autre capitale où il espère relancer des relations en souffrance, puis à Bruxelles vendredi.
Le président français l'a accueilli sur le perron de l'Elysée vers 12H15 (10H15 GMT). Les deux hommes se sont donné une franche accolade et doivent s'entretenir avant une conférence de presse commune.
Après quatre année souvent compliquées avec le social-démocrate Olaf Scholz, les deux dirigeants veulent envoyer un "signal très fort et immédiat de renouveau dans la relation franco-allemande et pour l'Europe", souligne l'Elysée.
Il faut un "retour du réflexe franco-allemand" et d'une "concertation systématique" sur tout l'agenda européen, de la défense aux enjeux de compétitivité, budgétaires et migratoires, explique encore la présidence française.
Le nouveau dirigeant conservateur assure de son côté que son pays assumera "à nouveau", après des années de retrait, "ses responsabilités de leader en Europe et avec les autres membres de l'Union européenne".
Mais son élection par les députés allemands au second tour, alors qu'il devait s'agir d'une formalité, inquiète. Car elle a révélé au grand jour la fragilité de sa coalition avec les sociaux-démocrates, sur laquelle toute l'Europe compte pour remettre l'Allemagne au centre du jeu après des années de surplace sous l'ère Olaf Scholz et six mois de crise politique intérieure.
- Espoirs -
"La situation en Allemagne est un choc politique", a asséné sur X l'eurodéputée française Valérie Hayer, du camp Macron. "Une catastrophe absolue", affirmait une ministre française sous couvert d'anonymat à l'AFP.
Paris nourrit de grands espoirs dans le dirigeant démocrate-chrétien allemand, qui parle ouvertement de renforcer la souveraineté européenne, y compris militaire.
Sur les questions de défense et l'Ukraine, l'hostilité affichée par Donald Trump et son administration à l'égard de l'Europe et les doutes sur le soutien militaire américain ont fait bouger les lignes en Allemagne.
Friedrich Merz est favorable à l'idée de placer son pays - dépendant jusqu'ici de la protection nucléaire américaine - sous le parapluie français et britannique. Ce qui constitue une césure énorme avec la tradition atlantiste germanique.
Il est aussi - prudemment - ouvert à l'idée de fournir des missiles longue portée Taurus à Kiev.
D'autres divergences traditionnelles ne devraient toutefois pas disparaître du jour au lendemain.
Berlin a certes assoupli en mars sa règle du "frein à l'endettement", qui limite la capacité d'emprunt du pays pour les dépenses militaires et pour les régions, mais elle n'est pas prête à donner son feu vert à des euro-obligations, promues par la France.
- Un trio avec Varsovie -
Sur le plan commercial, l'Allemagne, nation fortement exportatrice, devrait continuer à pousser à la signature d'accords de libre-échange, comme celui du Mercosur, tandis que la France, craignant une fronde agricole, y est défavorable.
Le nouveau gouvernement allemand promet de "renforcer l'amitié" aussi bien avec la France que la Pologne, notamment dans le cadre du "Triangle de Weimar", ce forum de coopération trilatérale entre la France, l'Allemagne et la Pologne créé en 1991.
"La volonté d'échanger avec ces deux pays est clairement là", relève Martin Koopmann, directeur de la fondation Genshagen, basée près de Berlin et chargée de développer les relations entre ces trois pays.
Mais les relations restent aussi compliquées entre l'Allemagne et la Pologne qui, par ailleurs, n'est pas dans la zone euro contrairement à Paris et Berlin.
Le parti nationaliste Droit et Justice (PiS), actuellement dans l'opposition, continue de réclamer des réparations pour les dégâts et pertes de la Seconde Guerre mondiale à l'Allemagne.
A moins de deux semaines du premier tour de l'élection présidentielle polonaise, le 18 mai, ce sujet est particulièrement sensible: pour le Premier ministre Donald Tusk, il est délicat d'afficher une trop grande proximité avec le chancelier allemand.
G.Cho--SG