
La plus grande usine de e-méthanol en Europe ouvre au Danemark

La production, balbutiante, de e-méthanol, molécule centrale pour décarboner le transport et réduire les émissions de gaz à effet de serre, franchit un premier cap mardi avec l'ouverture au Danemark de la plus grande usine en Europe.
"Nous maîtrisons toute la chaîne jusqu'au produit fini qui est ensuite utilisé pour les carburants synthétiques, mais aussi dans l'industrie chimique avec Lego et (le géant pharmaceutique) Novo Nordisk", explique à l'AFP Jaime Casasus Bribian, responsable chez European Energy, co-propriétaire avec le japonais Mitsui de l'usine.
Posé en pleine campagne, à côté du plus grand champ de panneaux solaires d'Europe du Nord et d'une importante station de transformation électrique, l'établissement doit produire jusqu'à 42.000 tonnes, soit 50 millions de litres, de e-méthanol par an.
Le site a reçu une subvention de 53 millions d'euros du Fonds d'investissement vert danois.
Il fournira le géant du transport maritime Maersk, va être utilisé pour la production de certaines des fameuses briques en plastique de Lego et par Novo Nordisk pour ses stylos à insuline.
Le seul groupe Maersk aurait besoin de deux millions de tonnes de méthanol vert par an à l'horizon 2030 s'il veut décarboner de 10% de sa flotte, selon ses propres estimations.
Laura Maersk, son premier porte-conteneur à naviguer au e-méthanol viendra se ravitailler au port voisin d'Aabenraa une fois par trimestre et ce carburant lui permettra de tenir un mois.
Si European Energy se targue d'être pionnier, la production qui va sortir de son usine reste donc minime.
"C'est une initiative encourageante quant au potentiel de développement de la filière", estime auprès de l'AFP Yann Lesestre, auteur d'un "Observatoire international des e-fuels", pour le Bureau français des e-fuels, qui la juge cependant trop confidentielle pour être classée parmi les projets qui comptent.
"Le retour d'expérience du projet va être intéressant pour vérifier le bon fonctionnement des technologies à une échelle commerciale", note-t-il.
- La Chine en tête -
Selon ce rapport, la filière européenne d'e-méthanol rassemble 19% des capacités en projet dans le monde - contre 60% pour la Chine. Le site du chinois Jiangsu Sailboat est opérationnel depuis 2023 et produit 100.000 tonnes.
Le Danemark, pionnier des énergies renouvelables et notamment de l'éolien, se félicite d'avoir développé le projet si rapidement, puisqu'il s'est écoulé à peine deux ans entre la délivrance du permis de construire et l'ouverture de l'usine.
"C'est une étape très, très importante pour la transition vers l'augmentation de la capacité de production", assure Camilla Holbech, directrice énergies renouvelables, PtX (transition vers les énergies propres) et coopération internationale au sein de l'association Green Power Denmark, qui rassemble les professionnels danois du secteur.
"Notre stratégie consiste à grandir par paliers, la prochaine usine sera trois fois plus grande", confirme Jaime Casasus Bribian, responsable chez European Energy.
"Il est très important de passer aux carburants verts, car nous pouvons ainsi décarboner des secteurs qui ne peuvent a priori pas fonctionner à l'électricité", au premier rang desquels le transport maritime, insiste Mme Holbech.
Entre cette nouvelle industrie et une industrie des combustibles fossiles plus que matures, l'écart de prix à combler est conséquent, ce qui explique le nombre de projets à plus petite échelle, estime-t-elle.
La production de e-méthanol pourrait devenir aussi rentable que celle des combustibles fossiles en 2040 à condition que soient réalisés des investissements massifs, selon un rapport de Green Power Danemark.
Les deux autres projets d'e-méthanol opérationnels, aux Etats-Unis et en Chine, utilisent du carbone recyclé alors que le projet danois utilise du carbone biogénique, c'est-à-dire contenu dans les matières biosourcées (bois, coton..), selon l'étude du Bureau français des e-fuels.
Le e-méthanol ou méthanol vert est produit en mélangeant du dioxyde de carbone (CO2) biogénique et de l'hydrogène vert, lui-même produit par électrolyse, c'est-à-dire la décomposition des molécules d'eau à l'aide d'un courant électrique, issu de sources d'énergie renouvelables. A Kassø, il provient de panneaux solaires.
X.Eom--SG