
A Hong Kong, un vide juridique bénéficie aux créateurs de deepfakes pornographiques

Etudiante en droit, C. a découvert avec horreur qu'un de ses camarades avait créé des trucages pornographiques d'elle et d'une vingtaine d'élèves avec leurs photos Instagram: à Hong Kong, les "deepfakes" sont en augmentation mais les victimes se disent abandonnées par la loi.
"D'abord, j'ai été choquée puis j'ai paniqué", raconte la vingtenaire à l'AFP en assurant que cela "lui laissera une cicatrice".
Le mois dernier, des centaines d'images obscènes générées par IA avec le visage d'étudiantes ont été découvertes sur l'ordinateur d'un élève de la plus ancienne université de Hong Kong.
B., une autre victime, s'est sentie trahie car elle considérait l'auteur de ces images comme un "ami". "Ma vie privée a été violée... je ne peux plus faire confiance à mon entourage", assure-t-elle.
Actuellement, Hong Kong criminalise la distribution d'"images intimes", y compris celles créées par IA, mais pas leur création, ni leur possession.
Pour cette raison, les victimes de l'université de Hong Kong possèdent peu de recours car il n'y a à ce stade aucune preuve que les images aient été diffusées.
De ce fait, l'université a simplement adressé une lettre d'avertissement à l'étudiant, lui demandant des excuses.
L'établissement aurait, selon A., une troisième victime, assuré que l'affaire ne pouvait pas être présentée devant un comité disciplinaire.
"Ils étaient préoccupés mais ne savaient pas quoi faire, c'est ridicule!", lance-t-elle.
L'université dit être "en contact avec les étudiantes concernées" mais refuse de commenter l'affaire.
- Violence fondée sur le genre -
A Hong Kong, ces montages ne sont pas nouveaux.
Janice, proche de la trentaine, a vu sa vie sociale détruite il y a quelques années lorsque de fausses images obscènes d'elle ont été envoyées à ses proches.
Elle n'a jamais trouvé le coupable.
"J'ai essayé de ne plus aller au travail et je n'osais plus sortir dans la rue", raconte-t-elle, évoquant idées suicidaires et crises de larmes soudaines.
"Je ne pouvais plus dormir, je craignais de voir Internet inondé de fausses images pornographiques de moi".
Les deepfakes sexuels sont de plus en plus nombreux, note l'ONG Association Concerning Sexual Violence Against Women, qui a reçu 11 demandes d'aide en 2024-2025.
Un chiffre très sous-estimé car "les victimes ne savent pas comment demander de l'aide", assure l'une de ses dirigeantes Doris Chong.
Et même lorsqu'elles le font, des obstacles persistent, comme l'a découvert Janice lorsqu'elle a fait appel à un avocat: il lui a assuré que, faute de preuves plus étayées, la police ne pourrait pas l'aider.
Avec 90% des victimes de pornographie générée par IA qui sont des femmes, "c'est une forme de violence sexuelle fondée sur le genre", estime Susanne Choi, de l'Université chinoise de Hong Kong.
Et législateurs et universités doivent "élargir et réviser les lois et procédures existantes" pour la réprimer.
La police, elle, dit n'avoir aucune statistique.
- Les victimes critiquées -
A l'étranger, certains pays s'y sont attaqués. En mai, les Etats-Unis ont adopté une loi contre la diffusion de deepfakes et le "revenge porn" - la publication d'images à caractère sexuel par vengeance, souvent après une rupture.
Les débats en Grande-Bretagne et à Singapour montrent une volonté croissante de pénaliser la création de ces trucages, mais pas forcément leur possession, relève l'avocat Stephen Keung.
Au vu de l'ampleur du scandale, l'autorité de protection de la vie privée de Hong Kong a néanmoins ouvert une enquête pénale, et la Commission pour l'égalité des chances traite actuellement une plainte à ce sujet.
En attendant, les trois étudiantes assurent essuyer des critiques.
"Beaucoup de gens ont dit +Vous ruinez l'avenir de ce garçon, vous devriez lui présenter vos excuses+", s'émeut C.
Le nom de l'étudiant n'a pas été révélé et l'AFP n'a donc pas pu le solliciter.
Pour le moment, C. ne publie plus rien sur ses réseaux sociaux, inquiète de savoir qui d'autre "pourrait faire des captures d'écran de (s)es photos et à quelles fins".
Si elle ne veut pas "s'improviser juge", B. assure vouloir des conséquences pour ceux qui créent ce type de contenus.
"La simple création (de ces images) est un problème... Mon intimité, ma vie privée, ma dignité ont été affectées".
X.Ahn--SG