
Scandale des eaux minérales: les sénateurs publient un rapport très attendu

C'est un enjeu économique et commercial majeur: les pratiques industrielles dans les eaux en bouteille sont au cœur d'un rapport sénatorial publié lundi, plus d'un an après la révélation d'une affaire de traitements illicites en particulier chez Nestlé Waters (Perrier, Hépar, Contrex).
Au terme de six mois de travaux et plus de 70 auditions, parfois tendues, d'anciens ministres, grands industriels et experts, la commission d'enquête rend ses conclusions sur cette affaire aux ramifications politiques.
Au cœur des interrogations des parlementaires, les pratiques des industriels, mais aussi les responsabilités des pouvoirs publics dans leur contrôle, et plus généralement la gestion des risques économiques, sanitaires et écologiques.
Le scandale a éclaté début 2024 avec la révélation par la presse de l'utilisation au cours d'années précédentes de traitements interdits (ultraviolets, charbon actif) pour, selon Nestlé, "assurer la sécurité sanitaire" des eaux après des épisodes de contaminations bactériologiques sur des forages.
Or le droit européen stipule qu'une eau minérale naturelle ne peut faire l'objet d'aucune désinfection ou traitement de nature à modifier ses caractéristiques.
Une procédure judiciaire est en cours à Paris après des plaintes d'associations de défense des consommateurs pour "tromperie" visant Nestlé Waters et Sources Alma.
Pour Perrier, Hépar et Contrex, la direction actuelle de Nestlé Waters assure avoir appris a posteriori, fin 2020, la présence de "traitements non autorisés" sur ses sites, avant de prendre contact mi-2021 avec le gouvernement et jusqu'à l'Elysée.
Dix-huit mois plus tard, un plan de transformation des sites de Nestlé Waters est finalement approuvé par les pouvoirs publics. Pourtant la microfiltration fine installée pour remplacer les traitements interdits fait débat du fait de son caractère désinfectant, et d'ailleurs le directeur général de la Santé de l'époque s'y oppose.
Alexis Kohler, alors secrétaire général de l'Elysée, avait lui aussi reçu les dirigeants de Nestlé. Lundi, la commission sénatoriale devrait publier des documents transmis par la présidence après son refus d'être auditionné.
Interrogé par la presse en février, Emmanuel Macron avait démenti être au courant du dossier.
- Trois milliards d'euros -
Aujourd'hui, Perrier attend la décision de renouvellement de son autorisation d'exploiter la source comme "eau minérale naturelle". Alors que des hydrogéologues mandatés par l'Etat ont rendu un avis défavorable, la préfecture du Gard doit se prononcer d'ici au 7 août et, en attendant, a donné deux mois au groupe pour retirer son système de microfiltration, estimant qu'il "modifie le microbisme de l'eau produite, en contradiction avec la réglementation en vigueur".
Nestlé dit disposer de solutions alternatives, qu'il souhaite proposer aux autorités.
Globalement, le marché des eaux minérales et de source françaises (une centaine de sites, 11.000 emplois directs) représente quelque 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel.
Vendredi, le Syndicat des eaux de sources et des eaux minérales naturelles (SESEMN), qui représente en volume 80% du marché des eaux de sources et près de 10% des eaux minérales (hors géants Danone et Nestlé), a publié un long communiqué pour "réaffirmer solennellement l'engagement d'une profession dont la mission première demeure la protection d'un patrimoine hydrique exceptionnel".
"Des manquements isolés, aussi regrettables soient-ils, ne sauraient refléter ni remettre en cause les pratiques vertueuses d'une filière entière", ajoute-t-il.
Un rapport demandé par le gouvernement à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) avait conclu en 2022 que 30% des marques d'eaux en bouteille "subiss(aient) des traitements non conformes". Ce rapport, comme le reste de l'affaire, n'a été rendu public qu'en 2024 par franceinfo et Le Monde.
J.Lim--SG