Election des juges au Mexique, faible participation pour une première mondiale
A peine plus d'un Mexicain sur dix a participé dimanche à l'élection unique au monde de tous les juges jusqu'à la Cour suprême, une réforme défendue par la gauche au pouvoir pour lutter contre la "corruption" au sein de la justice.
C'est un "succès total", a cependant proclamé la présidente de gauche Claudia Sheinbaum juste après la première estimation de l'Institut national électoral (INE): entre 12,57% et 13,32% des quelque 100 millions d'électeurs inscrits se sont rendus aux urnes.
"Près de 13 millions de Mexicaines et Mexicains ont exercé pour la première fois dans l'histoire leur droit de décider qui doivent être les nouveaux ministres (ndr: membres de la Cour suprême), magistrats et juges", a déclaré la présidente dans une vidéo sur X.
Par comparaison, c'est avec un taux de participation de plus de 60% que Mme Sheinbaum était elle-même élue il y a tout juste un an première femme présidente dans l'histoire du Mexique, avec près de 60% des voix.
"Le Mexique est le pays le plus démocratique du monde", a ajouté l'ex-maire de Mexico en conclusion d'un message de 2 minutes 31 pendant lequel elle a de nouveau défendu cette élection d'un nouveau genre.
"Nous ne devons pas oublier que l'actuel pouvoir judiciaire, que certains défendent, porte la responsabilité d'avoir favorisé des membres de la délinquance organisée", a déclaré la présidente.
"La moitié du pouvoir judiciaire (...) est arrivée là par népotisme", a-t-elle lancé.
L'élection de dimanche était la pierre angulaire d'une réforme constitutionnelle promulguée par le prédécesseur et mentor politique de Mme Sheinbaum, Andres Manuel Lopez Obrador, juste avant de lui remettre le pouvoir le 1er octobre.
Père de la réforme, l'ex-président a d'ailleurs fait sa première réapparition publique depuis octobre en allant voter à Palenque (Chiapas, sud), pour saluer une "élection historique".
La présidente a voté à Mexico, en passant 11 minutes et 10 secondes à remplir les bulletins, a calculé la chaîne d'information Milenio TV, qui a souligné la "complexité" des procédures.
Au total, 881 postes étaient en jeu au niveau fédéral, depuis les juges de district jusqu'aux neuf membres de la Cour suprême. Quelque 1.700 juges devaient aussi être élus dans 19 des 32 Etats. Des élections complémentaires auront lieu en 2027.
Les électeurs devaient choisir parmi des centaines de candidats avec des bulletins de tailles diverses, ce qui pouvait nécessiter des heures de recherches, explique David Shirk, professeur à l'université de San Diego, aux Etats-Unis.
"Tu ne connais pas les candidats, sauf ceux qui faisaient des vidéos sur TikTok", a ajouté à l'AFP Leslie Moreno, une avocate de 30 ans, qui a malgré tout fait l'effort d'aller voter.
A Mexico, des centaines d'opposants à la réforme se sont rassemblés sous des pancartes "Non à la dictature" ou "Non à la fraude judiciaire. Moi je ne vote pas".
"La République est perdue. La séparation des pouvoirs est perdue et nous sommes dans une dictature de fait", a déclaré à l'AFPTV Leticia Ramirez, retraitée de 60 ans.
Comme elle, les adversaires de la réforme accusent le Mouvement pour la régénération nationale (Morena, gauche) au pouvoir depuis décembre 2018 de vouloir faire main basse sur l'appareil judiciaire.
Parti d'opposition, le PRI a dénoncé une "farce" par son chef de file Alejandro Moreno.
- Candidats douteux -
Le Mexique, qui compte près de 130 millions d'habitants, enregistre chaque année 30.000 homicides. La plupart restent impunis.
Le pays compte six des huit bandes criminelles d'Amérique latine qualifiées d'"organisations terroristes" par le président américain Donald Trump.
L'ONG Defensorxs a identifié près de 20 candidats à risque pour leurs liens présents ou passés avec des figures du crime.
Parmi eux, Silvia Delgado, ex-avocate de Joaquín "Chapo" Guzmán, cofondateur du cartel de Sinaloa, condamné à la perpétuité aux Etats-Unis.
Mme Delgado est candidate à un poste de juge pénal à Ciudad Juarez, ville-frontière avec les Etats-Unis.
Autre exemple: Leopoldo Chávez, en campagne dans l'Etat du Durango (nord), a passé six ans en prison aux Etats-Unis pour trafic de méthamphétamines. "Je ne me suis jamais vendu auprès de vous comme le candidat parfait", a-t-il affirmé dans une vidéo sur Facebook.
Les candidats doivent être diplômés en droit, avoir de l'expérience et "une bonne réputation".
La corruption se joue encore davantage au niveau des parquets que des juges, rappelle M. Shirk, de l'université de San Diego.
"Il est beaucoup plus facile d'acheter un procureur" que "d'influencer le juge", explique celui qui dirige un projet de recherche sur la justice au Mexique.
D.Sunwoo--SG