
Sénégal: le Parlement examine le sort judiciaire d'ex-ministres soupçonnés de malversations

Les députés sénégalais ont commencé jeudi à examiner une demande de la justice visant le renvoi devant une cour spéciale de cinq anciens ministres accusés de malversations présumées liées notamment à un fonds anti-Covid.
Ces procédures, rares dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, sont ouvertes à l'Assemblée nationale, largement contrôlée par le parti du président Bassirou Diomaye Faye, élu en mars 2024 et qui prône une rupture avec la gestion de ses prédécesseurs.
M. Faye a promis de lutter contre la corruption dans le pays, et son régime a lancé diverses enquêtes contre des responsables de l'administration précédente, celle de l'ex-président Macky Sall (2012-2024).
Les cinq ex-ministres concernés, tous plusieurs fois membres de gouvernements de Macky Sall, sont Amadou Mansour Faye, également beau-frère de l'ex-président, Aïssatou Sophie Gladima, Moustapha Diop, Salimata Diop et Ismaïla Madior Fall.
Les quatre premiers sont visés en relation avec un fonds anti-Covid, selon le ministère de la Justice. Le cinquième, M. Fall, a déclaré à la presse faire l'objet d'une plainte relative à des problèmes fonciers allégués alors qu'il était ministre de la Justice.
L'Assemblée a d'abord commencé à se pencher jeudi matin sur le dossier de Moustapha Diop, ancien ministre du Développement industiel.
"Des présomptions graves de détournements de deniers publics pèsent" sur M. Diop auquel il est reproché des dépenses de 2,5 milliards de francs CFA (3,8 millions d'euros) en liquide, "une violation" des règles comptables, selon un rapport parlementaire. M. Diop a également choisi lui-même, illégalement, ses fournisseurs, selon la même source.
Moustapha Diop et Salimata Diop (sans lien de parenté), ont été élus députés en novembre 2024, après le départ du président Sall. Salimata Diop doit, elle, justifier de dépenses de plus de 57 millions de FCFA (87.000 euros), selon des sources parlementaires.
Leurs immunités ont été levées le 2 mai par l'Assemblée nationale pour permettre d'enquêter sur leurs gestions.
- Surfacturations -
Les poursuites contre d'anciens ministres dans l'exercice de leurs fonctions doivent être autorisées par les députés, et leurs dossiers ont été transmis à l'Assemblée nationale par le ministère de la Justice.
Plusieurs personnalités, parmi lesquelles des artistes, animateurs, stylistes ou des hauts fonctionnaires, ont ces derniers jours été interrogés au Sénégal dans le cadre des enquêtes sur le fonds anti-Covid.
L'opposition dénonce une "chasse aux sorcières" et un "acharnement" contre l'ancien pouvoir.
Le fonds anti-Covid, d'un montant de 1.000 milliards de francs CFA (1,5 milliard d'euros), financé par l'Etat sénégalais et des bailleurs, était notamment destiné à renforcer le système sanitaire, à soutenir les ménages et le secteur privé et à maintenir les emplois, dans ce pays ouest-africain démuni.
Dans un rapport d'audit publié en décembre 2022, la Cour des comptes a relevé des irrégularités dans la gestion de ce fonds, liées à des surfacturations à hauteur de 2,7 milliards de francs CFA (4,1 millions d'euros) dans l'achat de riz destiné aux ménages défavorisés, et d'un montant de 42 millions de francs CFA (environ 64.000 euros) pour l'acquisition de gel hydro-alcoolique.
Une majorité de 3/5ème des 165 membres de l'Assemblée est requise pour l'adoption de chaque projet de résolution.
Après le vote des résolutions de mise en accusation, les ministres doivent, le cas échéant, être auditionnés par la commission d'instruction de la Haute Cour qui décidera de leur renvoi ou non en procès.
Cette cour spéciale, présidée par le président de la Cour suprême, est habilitée à juger les présidents et membres du gouvernement pour des délits et crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions.
Ses décisions ne sont pas susceptibles d'appels.
D.Gu--SG